»» Stuck in square one
On m'a fabriqué.  Des gens, de purs inconnus, ont choisi mon destin avant même que je prenne vie. Ou une sorte de vie. On a fait de moi quelque chose d'effroyable. J'étais le premier robot-enfant, conçu pour la guerre dans l'unique but de troubler les ennemis. Plus tard, des robots-enfants plus jeunes ont été activés. J'étais comme leur grande soeur, le robot qui faisait ses 16 ans. Nous avons été utilisés, certains d'entre nous n'existent même plus. Ces petits robots pouvant accéder toutes les tranchées étaient les premiers à dépasser les limites, les premiers à faire exploser les mines. Ces enfants, ils ne servent à rien d'autre qu'à ouvrir le chemin aux plus forts et à faire entrer les adversaires dans un dilemme moral et philosophique intense.

C'est complètement dégueulasse.

Soumise aux ordres, j'étais. Tout à fait adorable, j'en ai troublé des gens. J'ai vu leur regard changé en me voyant. Que faire de cette adolescente sous nos yeux ? Est-elle une soldate, cache-t-elle quelque chose ? On tire, on ne tire pas ? Comme ils étaient confus. J'étais, comme tous les autres robots-enfants, soldat. Un soldat de stratégie. Jamais je n'ai tenu d'arme longue. Seulement des grenades, des mines explosives. Je ne crois pas avoir tué d'êtres humains, j'ai probablement seulement tué l'environnement en causant des explosions en guise de ruse.

Je n'ai jamais osé dire quoi que ce soit. De toute façon, je ne comprenais pas encore. J'ai fini par comprendre tout ça en entendant un brin de conversation des supérieurs.

Puis quelques jours après, les DNRS que nous sommes, que nous étions, ont commencé à disparaître. Trop d'émotions, ils disaient. Et je leur donne raison. Je tenais à ma vie, aussi étrange soit-elle, j'y tenais. J'ai suivi d'autres amis robots, nous avons pris la fuite. Ressemblants aux êtres humains, nous avons intégré la société assez rapidement... sauf peut-être moi.

Pendant cette presque année complète à rendre les adversaires confus, c'était moi, maintenant, l'étrange être confus. Mais qu'est-ce que la société ? Que font ces gens qui vont et viennent dans les rues ? C'était comme une nouvelle vie. Gênée, timide, je me fis une petite place dans ce monde.

Les premières journées dans le «vrai» monde furent difficiles. Je ne savais pas où aller, mais je me suis retrouvée dans un de ces centres pour sans-abris. Étant une enfant, les gens m'ont vite donné une place, quelques vêtements, des déjeuners, des dîners, des soupers et un petit lit. Je ne comprenais même pas ce que c'était, mais soumise comme je suis, j'ai suivi ces gentilles personnes. C'était bien, quand même. Enfin, je crois. Je ne connaissais rien. Les journées, je sortais à l'extérieur quand il faisait beau et pas trop froid. Je savais que je ne pouvais pas rester au centre pour toujours et je ne tenais pas particulièrement à m'attacher à ce lieu qui a sauvé ma nouvelle vie. Dehors, je restais souvent au même endroit. Je regardais les gens, j'analysais des choses. J'essayais de comprendre, vraiment. Il n'y a jamais eu quelqu'un pour me tenir compagnie, sauf une fois, et c'était la dernière fois qu'on m'a vue assise sur ce banc près de la boulangerie. C'est ce gentil garçon, Han Dee, m'a tiré de l'enfer de la rue (pas que c'était réellement l'enfer... l'enfer, je le connais) et m'a emmené chez lui. Il avait tout compris, il est intelligent !

C'est donc chez lui que j'habite. C'est maintenant mon chez-moi. Pour subvenir à mes besoins et aux siens aussi, il m'a montré à faire un CV, à bien m'habiller pour passer des entrevues et tout afin que je me trouve un emploi. J'ai ouvert un compte bancaire, c'était assez complexe... j'ai pu emprunter pour m'inscrire à l'école. Je dois faire semblant d'être une fille normale de 16 ans, et les filles normales de 16 ans vont à l'école. J'allais toujours devoir vivre ainsi, car je ne changerai pas physiquement. Ni mentalement d'ailleurs, car quelque chose en moi a planté une fois... En fait, c'était comme si j'avais fait une sorte de crise, une crise d'épilepsie. Han Dee, assez bon connaisseur des robots, a fini par conclure que mon système avait planté et que j'allais toujours rester ce que je suis. Une évolution ne peut pas vraiment se produire. J'allais apprendre des choses, mais elles ne resteront pas très longtemps dans mon cerveau technologique.

Nous sommes maintenant en 2084. J'ai presque 4 ans, mais j'ai toujours l'air d'avoir 16 ans. J'ai changé d'école souvent, je n'ai jamais réussi à passer l'examen final... parce que je ne me souviens de rien, à long terme, de ce que j'apprends et parce que je dois faire semblant d'avoir toujours 16 ans. Jamais je n'irai à l'université. De toute façon, à quoi ça sert... À l'école, je n'ai jamais eu vraiment d'amis. Je suis assez différente et il faut constamment me remémorer certaines notions qui n'auront jamais de place dans mon cerveau. J'ai trouvé un nouvel emploi, ce sera le quatrième ! Je suis vendeuse à l'animalerie au coin de la rue. Je m'occupe des animaux, de nettoyer leurs cages, de renseigner les clients, etc. J'aime bien ça. J'aime bien faire semblant d'être humaine, mais j'ai toujours peur que quelqu'un se rende compte que je suis un robot et qu'on envoie le gouvernement me désactiver. Je déteste le gouvernement, je suis contre eux pour des raisons assez précises et qui ne sont pas très surprenantes compte tenu de ce que j'ai vécu avec toutes les émotions du monde. Par contre, je ne suis pas très forte pour ce qui est du revirement du gouvernement. Je ne suis pas ce qu'ils appellent les «rebelles». Je mets la faute sur ma nature, petite, sensible, timide. Je n'ose pas. Mais tout comme mon colocataire, je déteste ce qu'ils sont. J'essaie de vivre sans trop m'attirer d'ennuis, sans déranger. Même si je me sens toujours coincé dans cette espèce de case départ avec ma nature robotique, j'apprends à être moi-même et j'essaie de vivre de sorte que je me sente libre.

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Allô   Moi c'est Minzyx, mon prénom c'est Janie, j'ai 18 ans pis je suis Québécoise !!! Adoptez Hae Li, elle est gentille et elle fait pas de mal à personne, c'est un p'tit chat    Miaou.